• Empathie et humanisme 10

     

     

     

    Je pars. Je largue les amarres. La vie est à moi et je la prends par la main pour partir ensemble. Je laisse derrière moi toutes ces choses qui me déplaisent. Les choses absurdes. Les messieurs qui font des promesses avec des gestes paternels, les systèmes qui compliquent et hypothèquent les bonheurs de la vie. Et je prends le chemin que je dois prendre pour connaître la terre ; cette terre qui est la mienne.

     

    Nous partons main dans la main ; ma vie et moi, moi et ma vie, et ce que nous commençons là est un acte d'amour qui durera jusqu'à la mort. A cause de cela, notre démarche est quelque chose de beau, élégant, esthétique.

     

    J'avance. Parfois c'est moi qui ouvre le chemin très sûr de moi, et je choisis mes sentiers, et je regarde, cours, me repose, découvre, et je m' exalte devant tout ce qui  se trouve face à moi.

     

    Je suis parti, et je suis conscient de la responsabilité qui naît en moi en prenant la vie ainsi, seul, "mano a mano". Je pense que si un jour je dois payer pour mon courage, je le ferai. Et je n'y pense plus. Cela, maintenant, aujourd'hui, n'a plus d'importance. Le risque sera le prix de ma façon de vivre.

     

    J'irai me promener là où ils m'emporteront le vent et les étoiles. Rien n'est trop grand. Je peux tout faire. Tout aborder. Rien n'est trop petit. Tout vaut la peine d'être accompli. Je dois seulement me contenter d'être heureux.

     

    Le soleil sort. Il se réveille pour moi. C'est comme s'il se levait de son immense lit bleu, après une longue nuit d'amour. Je n'ai rien vu, mais j'aime ces nuits d'amour de la mer avec le soleil. Cet amour détendu, long , propre.

     

    Le soleil s'éloigne de l'horizon, et il se lève dans le ciel. Il y a des nuages que seulement on peut voir dans la mer.

     

    La vie a pris des formes agréables, pendant que mon bateau me porte, poussé par les alizés.

     

    Les nuits je peux dormir sans surveiller le trafic d'autres bateaux, et sans craindre de trouver  une terre sur mon chemin. Les nuits on est très bien assis à l'entrée de mon bateau, en regardant le ciel étoilé, écoutant les bruits de la mer. Dans ces moments là, j'aime prendre conscience de ma solitude. ~ Tu es seul, seul, seul ...

     

    Et la vie est plus simple, et je me sens très riche. Riche de choses qui ne peuvent être valorisées, ni achetées, ni vendues, ni mesurées.

     

    Avec ma solitude, et mon bateau en mouvement, et la pluie qu'un jour tombera, et cet apprêt que je traîne à ma poupe et sur lequel , à n'importe quel moment peut mordre une belle dorade, ou un thon, je me sens capable de choses formidables. Je pourrai naviguer jusqu'à la fin des mers, ou jusqu'à la mort. Je suis riche parce que je suis comme une planète en mouvement. Navigue, navigue, petit bateau, le monde est à nous

     

     

    Julio Villar est parti de Barcelone en avril de 1968. À bord de son bateau Mistral de 7m de long et de fabrication standard a parcouru environ 38000 milles marines (une fois et demie le tour du monde) pendant un périple de six années aux quatre coins de la planète, vécues lentement, tranquillement et par fois dramatiquement.

    Son récit, peu habituel, oscille entre une narrative simple et lyrique et, est devenu une référence incontournable pour tous les aventuriers en quête d'expériences  authentiques et amateurs de la nature.    

     


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