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    Le triomphe de l'imagination

    Daniel Kessel

     

     

     

    Dans un présent soumis à des fortes pressions sociales, écologiques et humanitaires, de nouveaux paradigmes scientifiques, penseurs et artistes revendiquent l'imagination comme outil pour redéfinir notre réalité. 

    Tout au long de notre histoire, les images produites par les arts, celles élaborées par les mythes, narrations orales, l'écriture, le cinéma, la télévision ou les technologies de la communication, ont façonné notre réalité à travers le temps et nos cultures. Dit autrement : nous modelons le monde et la réalité à partir des formes et concepts qu'habitent notre imaginaire.

    Le danger de s'abandonner à la fantaisie (rêve en état d'éveil, courant de désirs) contraste avec la désolation des populations déplacées, l'imminente catastrophe écologique annoncée, les revendications légitimes  des femmes (encore à nos jours) sur leur rôle dans nos sociétés, sont le reflet  de la profonde crise que nous traversons. 

    La peur d'une fracture inattendue, qui de façon naturelle après les grandes guerres et les incontestables avancées sociales obtenues ces dernières décennies et, devaient  garantir une existence équitable est apparue dans la conscience collective. 

    L'imagination fut exaltée comme la faculté humaine plus importante et fondement de la réalité dans la Florence de la Renaissance, ou trois siècles après par les romantiques anglais ou allemands. Nous la retrouvons dans les peintures rupestres, à l'Âge de Bronze, minoens et égyptiens, sufis et taoïstes, Renaissance, romantisme et idéalisme allemand, Goethe, Baudelaire, entre autres trop nombreux pour les citer tous et qui marquèrent durant les siècles d'une consécution linéaire et ascendante, d'un idéalisme que pensons nous, fait partie intrinsèque de l'aventure humaine. 

    L'imagination est la capacité par le biais de la coopération de trouver des solutions créatives aux défis apparues ces deux millions d'années et, qui firent de l'homme une espèce animale différente des autres, le portant là où il se trouve actuellement.

    La réalité donc, elle se créée à chaque instant à travers la conscience participative de tous les êtres vivants.

     

     

    Extrait de l'article "El triunfo de la imaginacion" Sonia Henàndez/ La Vanguardia/ Barcelona 20-01-2019 /

    Bibliographie:

    Daniel C. Dennet/Jacobo Siruela/Patrick Harpur/James Hillman/Agustin Fuentes

    &

     

     

     

     

     

     

     

     


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          Les sons que j'entends sur mon bateau remplissent mes journées et mes nuits. Ils sont enfuis dans mon corps et dans mon âme. Les jours me traversent comme les vagues, les chansons du vent et le glissement de l'eau.

          Tout ceci est ma vie. Mon bateau qui remonte la mer comme une poésie permanente avec comme fond les vagues et écumes.

          Parfois des grands silences avec leurs sensations et leurs couleurs. Nous sommes un homme et un bateau dans l'immensité de la mer. Je ressens la vie dans toute son ampleur. Je n'ai pas peur et j'aime ce silence et j'aime la vie et la mort avec émotion et tendresse.

           Pendant des semaines, Mistral et moi nous avons navigué dans un silence presque total. Seulement si je posais mes doigts sur mes poignés, je sentais les battements de mon cœur

     

     

     

    Atlantique. Long. 32° 15W / Lat. 16°  55 N 

    Julio Villar / Cahier d'un navigant solitaire

     

     

    Bonne Année à Tous


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    Pain et wifi

     iofdi

     

         Au delà de sa vacuité, l'expression figée "24/7" exprime une redondance statique qui élude tout rapport avec les textures rythmiques et periodiques de la vie humaine. Elle évoque un schéma arbitraire et immuable, celui d'une semaine qui se déroulerai hors de toute expérience découse ou accumulative. Si l'on disait par exemple "24/365", ce serait déjà autre chose, car on expérimenterait alors -bien que assez lourdement- l'idée d'une temporalité longue dans laquelle un changement peut advenir, où quelque chose d'imprévu peut se produire.

           Beaucoup d'institutions du monde développé fonctionnent déjà depuis plusieurs décennies sur un régime "24/7". Ce n'est que depuis peu que l'élaboration et le modelage de l'identité personnelle et sociale  de chacun ont  été réorganisés conformément au fonctionnement ininterrompu des marchés et des réseaux d'information. Un environnement "24/7" présente l'apparence d'un monde social, alors qu'il se réduit à un modèle asocial de performance machinique -une suspension de la vie qui masque le coût humain de son efficacité. Il ne s'agit plus de ce que Lukács et d'autres auteurs avaient identifié au début du XX siècle, comme le temps vide et homogène de la modernité, temps métrique ou calendaire des nations, de la finance ou de l'industrie, dont étaient exclus aussi bien les espoirs que les projets industriels. Ce qui est nouveau, c'est l'abandon de l'idée même que le temps puise être associé à un quelconque engagement dans des projets de long therme, y compris les fantasmes de "progrès" ou développement. Un monde sans ombre, illuminé "24/7", amputé de l'altérité qui constitue le moteur du changement historique; tel est l'ultime mirage de la posthistoire-. 

           Le temps "24/7" est un temps d'indifférence, ou la fragilité de la vie humaine revêt de moins en moins d'importance, où le sommeil n'est plus ni nécessaire ni inévitable. En ce qui concerne la vie professionnelle, l'idée qu'il faudrait travailler sans relâche et sans limite devient plausible, voir normale. On s'aligne sur l'existence des choses inanimées, inertes ou intemporelles. Entant que slogan publicitaire, l'expression "24/7" attribue une valeur absolue à la disponibilité, mais ce faisant aussi au retour incessant de besoins et d'incitations vouées à une perpétuelle insatisfaction. Le phénomène de la consommation sans entrave  n'a pas uniquement une dimension temporelle. L'époque où l'on accumulait essentiellement des choses est depuis longtemps révolue. Aujourd'hui, nos corps et nos identités absorbent une surabondance croissante de services, d'images, de procédés, de produits chimiques, et ceci à dose toxique si ce n'est souvent fatale. La possibilité d'intermèdes sans achat ou sans publicité, la survie individuelle à long terme n'est plus d'aucun poids dans la balance.

                 L'impératif "24/7"  fait corps avec la catastrophe écologique, participe de sa promesse de dépense permanente, du gaspillage infini qui alimente et du chamboulement profond des cycles et des saisons qui sous-tendent l'intégrité écologique de la planète.

     

     

     

    Jonathan Crary 

    24/7  Le capitalisme à l'assaut du sommeil    

    Jonathan Crary est professeur d'histoire de l'art et d'esthétique à l'université de Columbia à New York          


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     Marie Breton

     

     

    Sommes nous d'accord avec Aristote ?

    Si le langage n'était pas ambigu et dépendant du contexte, s'il n'y aurait un "plan connotatif" différent pour chaque personne et inévitablement lié aux expériences individuelles, pratiquement il n'y aurait pas des fallaces (de la poésie non plus), car les fallaces seraient évidentes et resterait peu de place à l'ambiguïté. 

    Le premier à étudier les fallaces logiques et argumentaires fut Aristote. Cet étude le poussa à prendre conscience du danger des "malentendus". Un jour on lui demanda :  " Si tu pourrais demander aux Dieux un don qui bénéficierais l'humanité toute entière, quel serait t'il ? ". Il répondit : " Je demanderais que les mots aient la même signification pour tout le monde " .

    Si la fallacie est un argument qui parait valide mais qu'il ne l'est pas, le concept lui même et nécessairement imprécis, car il inclu des contenus aussi subjectifs et dépendants des circonstances comme " la ressemblance ou faux semblant " ; il n'est pas donc surprenant que le sujet aie suscité  un large débat dont par la magie du net, je publie quelques extraits :

    Betty Boop :

    Fallace " ad verecundiam "  ( ou fallace des parents ) :  parce que c'est moi qui le dit et point.

    Fallace " ad hominem "  ( ou fallace du " beau frère " ) : Si c'est ton frère qui le dit, c'est une connerie.  ( dans beaucoup d'endroits on considère cette affirmation presque comme une méthode scientifique, car elle s'avère souvent vraie ).

    Fallace " ceteris paribus " ( ou fallace de l'économiste ) : Si les taux descendent, la bourse monte.

    Fallace " ad ignoramtiam " ( ou fallace légale ) : Une personne est innocente jusqu'à la preuve du contraire.

    fallace " ad consecuentiam " ( ou fallace placebo ) : L'homéopathie est bonne parce qu'elle fonctionne sur moi. 

    Par rapport à la " fallace légale ",  il faut dire que la présomption d'innocence oblige, oui, à traiter les personnes comme si elles seraient innocentes, jusqu'à preuve du contraire ; mais ironies à part, être innocent et être traité comme innocent n'est pas exactement la même chose... ici la mention italienne : " Se non è vero, è ben trovato "   ( si non est vraie, c'est bien trouvé ). 

     

    Carlo Frabetti  / est écrivain et mathématicien, membre de l'Académie des Sciences à New York

     


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     photo Domingo Leiva

     

    Si vous venez d'un autre continent et parcourez l'Europe Occidentale, particulièrement en été, vous serez surpris par la richesse et la beauté du continent, ainsi que par sa qualité de vie. Ce dernier trait est moins visible aux Etats Unis (malgré une richesse plus élevée par habitant), car le pays est plus grand et la densité de population est moindre. Le spectacle visuel en Europe est impressionnant, avec les campagnes parfaitement entretenues, saupoudrées de châteaux, musées, excellents restaurants avec wifi, partout en France, Italie ou l'Espagne.    

    Aucun peuple dans l'histoire a aussi bien vécu que les européens occidentaux aujourd'hui ; en particulier les italiens. Et malgré cela, il y a dans tout le continent un profond mal être, même en Italie. Un mécontentement par le fonctionnement de la politique européenne, l'immigration, les perspectives pour les jeunes, la précarité du travail, la pression de la main d'œuvre asiatique, moins chère, ou le rythme trépident des créatives start-ups américaines.

    Mais ce que la prospérité européenne met à découvert en particulier, ce sont les "maux des riches". Le premier problème pour les riches est lié à l'immigration. Le fait que l'Union Européenne soit aussi prospère et pacifique en comparaison avec les voisins de l'Est, Ukraine, Moldavie, les Balkans, Turquie et, surtout le Proche Orient et l'Afrique, fait de l'Europe un destin évident pour les immigrants.

    Dans l'actualité le PIB par habitant dans les 15 membres de l'ancienne UE d'un côté et, le Proche Orient et l'Afrique de l'autre, ne pas seulement immense, mais elle a même augmentée. Un peu moins de 40.000 dollars en Europe ; 3.500 dollars en Afrique subsaharienne (11 fois moins). En 1970, le PIB par habitant de l'Europe étais à 18.000 dollars et, celui de l'Afrique subsaharienne à 2.600 dollars (7 fois moins).

    Etant donné que les habitants d'Afrique peuvent multiplier ses revenus par 10 venant chez les européens, on peut comprendre que malgré la dangerosité du chemin, ils arrivent en masse. Que ferais t'il un hollandais s'il pourrais multiplier par 10 ses revenus en Nouvelle Zélande. Sans oublier que beaucoup parmi les migrants vivent des situations chaotiques sur les lieux d'origines, liés au climat et les guerres.

    Dans un tel contexte, la pression migratoire augmentera pendant les prochains 50 ans et, même s'il est prévu que la croissance en Afrique deviendra équivalente à l'européenne (c'est à dire, à un rythme supérieur). De même que le nombre des migrants sera en augmentation. la croissance démographique africaine double celle de l'Europe : 1000 millions contre 500 millions. Les prévisions à 30 ans est de 2.200 millions contre toujours 500 millions.

    L'immigration créée des pressions politiques et sociales insoutenables dans les pays européens. Tout le système politique est sous le shock. Les exemples les plus violents : les décisions prises par l'Autriche et l'Hongrie de construire des murs. Le retour de la droite en Suède, Hollande et le Danemark ; la renaissance du nationalisme grec, l'arrivée au parlement de l' AFD en Allemagne. Les récents refus de l'Italie d'accueillir des bateaux d'immigrés.

    Mais une autre question de poids qui nourrit le mal être politique en Europe, ce sont les inégalités des revenus et richesses. C'est l'autre "mal des riches". La richesse des pays dont la rente annuel par personne augmente pendant des décennies successives, ne se fait pas de façon proportionnelle aux rentes, sinon qu'elle s'accroît d'avantage. Les raisons sont bien l'épargne et le cumul de richesse.  La Suisse n'est pas seulement un pays plus riche que l'Inde par sa production annuelle de biens et services (50 à 1), sinon qu'elle est encore plus riche en fonction de la richesse par adulte (presque 100 à 1).  

    Ce qui fait que la relation entre richesse et revenus augmente à mesure que les pays deviennent plus prospères, c'est que le volume des rentes par habitant augmente plus vite que le PIB (Produit Intérieur Brute). Quand la richesse est très concentrée, comme dans les pays riches, l'augmentation des valeurs des capitaux sur la production, génère de forme presque automatique les inégalités entre les revenus des personnes.   

    Plus simplement La source de revenus partagée de façon plus inégalitaire (bénéfices & dividendes, taux d'intérêts) augmente plus vite que la source de revenus partagée de façon moins inégalitaire (salaires). Ce serais donc la croissance même qui créerait  les inégalités. Il est évident qu'il faudrait une véritable volonté politique pour empêcher ces différences trop importantes.

    Le problème c'est qu'en Europe, comme aux Etats Unis, manque une véritable volonté politique pour augmenter les impôts aux plus riches, ainsi comme l'implantation de mesures pour favoriser aux petits investisseurs qu'aux plus grands. Le résultat est la paralysie politique face aux désordres sociaux.  

    La situation actuelle est complexe et grave et demande des solutions sérieuses et pour le long terme.  Il est absurde de culpabiliser les courants "populistes", ou les préférences des citoyens d'un penchant pour les "fake news".  

     

     

     

    Branko Milanovic 

    Economiste et professeur à l'Ecole de Politiques Publiques à l'Université de Maryland

     

     

     

     

     


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