Notre métabolisme existait déjà 3.000 millions d'années

avant nos gènes 

Les spécialistes de l'origine de la vie sont confrontés à une paradoxe circulaire (comme la poule et l'œuf) qui peut sans doute être considéré comme le mystère le plus profond de la biologie évolutive. Toute vie comme nous le savons a une double fonction: l'auto-réplication, ou la capacité d'un organisme à faire des copies de lui-même, et le métabolisme, la cuisine de la cellule qui fabrique continuellement ses éléments de base. Aujourd'hui, ils sont inextricablement liés, mais lequel des deux à été créé en premier? Et en quoi pourrait servir l'un sans l'autre?

Un étude de biochimie qu'imite les conditions de sédiments archéens (à l'aube de la vie sur Terre, il y a  environ 4000-2500 ans) montre que deux voies métaboliques (chaînes de réactions chimiques, ou la cuisine des cellules) fonctionnaient déjà  alors comme aujourd'hui, au sein de chacune de nos cellules. Tant dans l'ère archéenne comme aujourd'hui, ces itinéraires répondent à l'environnement, réagissant ou pas  en réponse à des niveaux d'acidité et de fer. C'est une forte indication de que le métabolisme est antérieur aux enzymes (protéines ayant une activité catalytique) qui fonctionnent aujourd'hui.

Une des conséquences les plus extraordinaires de l'étude  de Markus Keller et Markus Raiser, du  Centre for Systems Biology de  l'Université de Cambridge, et ses collègues, c'est que nous portons en chacune de nos cellules un témoin des débuts de la Terre, comme un morceau de passé lointain: un système complexe et auto-cohérent que possiblement  commença  à fonctionner avant l'invention des premières bactéries sur la planète. Plus encore, une invention qui structura  le développement de la première bactérie. Une invention si brillante que 3.000 millions d'années d'évolution ne sont par parvenus à la dépasser . Vertigineux.

La machine du temps de Raiser Keller est basée,  paradoxalement, sur la technologie biologique la plus avancée, la métabolomique. Si la génomique est l'étude simultanée de tous les gènes, et la protéomique de toutes les protéines, la métabolomique est de tous les métabolites, des molécules simples (tels que le glucose, le ribose ou oxalate) qui servent à toute cellule pour cuisiner tout le reste de ses composants, tels que les glucides, les lipides, les protéines et les gènes .

Nous n'avons pas tellement changé ces derniers 3.000 millions d'années. En tout cas, pas plus que ces dix dernières.

Javier Sampedro/ El País / 16/01/2016