• Empathie et humanisme / 6

     

    Mistral se dirige aussi bien vers le bon cap, sur le port, comme en direction contraire, rapide, désespéré, fuyant ses peurs et la tempête du moment.

     

    La situation m'inquiète vraiment. Est ce que j'exagère quand les vents du S.W. commencent à frapper ?... Je ne pense pas. Mon bateau serait incapable de résister ces bourrasques. Ma seule erreur  fut au début, quand je mis le cap directement vers les côtes d'Afrique, il fait déjà presque un mois.

     

    Tout se cumule. Cela fait une semaine que je rationne les vivres, et très sérieusement. Dans une traversé facile dans laquelle je pourrais dormir, et dans laquelle le bon temps me permettrai d'épargner mes énergies, la chose ne serait trop importante. Je sais quelque chose sur les possibilités du corps, et je n'ignore pas la résistance étonnante d'un homme qui ne mange pas. Mais ici, sans dormir, toujours mouillé, balancé par les vagues, avec les nerfs toujours sous tension, je sais que je vis sur mes réserves depuis déjà beaucoup de jours.

     

    Je mange du riz et je bois du thé...rien d'autre. Ou à peine. Je sais que avec le riz et le thé on ne peut pas maintenir un rythme de vie comme le mien.

     

    Il me restent deux petites boites de foie gras que je garde en réserve, dans le cas que Durban se retarde plus de deux ou trois jours. Mais il n'y à pas dans ces «réserves» aucune solution à mes problèmes. Rien qu'une illusion.

     

    En fait, chaque fois, je dois me forcer pour avaler ma nourriture, et mes misérables collations de riz blanc se passent lente et tristement.

     

    Ont passé deux nouveaux jours. Deux jours de plus et je suis encore de bout. Pas très fort mais étonnement euphorique. Si je serais à quai en regardant mon aventure de loin, confortablement, j'aurais de l'admiration pour mes forces. Mais je suis dans la mer, et je me demande seulement combien je tiendrai encore.

     

    Maintenant que je suis à seulement 15 milles de Durban je dois pas commettre d'erreur. Je vais mettre le cap vers la terre, à quelques 15 milles du port pour que, avec le courent, demain à l'aube je sois à l'entrée de celui-ci. Bien sûr je prends le risque que au dernier moment, le vent retourne à souffler du S.W. et je me retrouve à nouveau dans les mêmes conditions qu'il fait trois jours, ou une semaine. Vraiment je ne sais plus quoi faire. Je me sens si seul !

     

     

     

    Julio Villar / Eh Pétrel / Cahiers d'un navigant solitaire

     


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