• "Les maux des riches européens"

     

     

     photo Domingo Leiva

     

    Si vous venez d'un autre continent et parcourez l'Europe Occidentale, particulièrement en été, vous serez surpris par la richesse et la beauté du continent, ainsi que par sa qualité de vie. Ce dernier trait est moins visible aux Etats Unis (malgré une richesse plus élevée par habitant), car le pays est plus grand et la densité de population est moindre. Le spectacle visuel en Europe est impressionnant, avec les campagnes parfaitement entretenues, saupoudrées de châteaux, musées, excellents restaurants avec wifi, partout en France, Italie ou l'Espagne.    

    Aucun peuple dans l'histoire a aussi bien vécu que les européens occidentaux aujourd'hui ; en particulier les italiens. Et malgré cela, il y a dans tout le continent un profond mal être, même en Italie. Un mécontentement par le fonctionnement de la politique européenne, l'immigration, les perspectives pour les jeunes, la précarité du travail, la pression de la main d'œuvre asiatique, moins chère, ou le rythme trépident des créatives start-ups américaines.

    Mais ce que la prospérité européenne met à découvert en particulier, ce sont les "maux des riches". Le premier problème pour les riches est lié à l'immigration. Le fait que l'Union Européenne soit aussi prospère et pacifique en comparaison avec les voisins de l'Est, Ukraine, Moldavie, les Balkans, Turquie et, surtout le Proche Orient et l'Afrique, fait de l'Europe un destin évident pour les immigrants.

    Dans l'actualité le PIB par habitant dans les 15 membres de l'ancienne UE d'un côté et, le Proche Orient et l'Afrique de l'autre, ne pas seulement immense, mais elle a même augmentée. Un peu moins de 40.000 dollars en Europe ; 3.500 dollars en Afrique subsaharienne (11 fois moins). En 1970, le PIB par habitant de l'Europe étais à 18.000 dollars et, celui de l'Afrique subsaharienne à 2.600 dollars (7 fois moins).

    Etant donné que les habitants d'Afrique peuvent multiplier ses revenus par 10 venant chez les européens, on peut comprendre que malgré la dangerosité du chemin, ils arrivent en masse. Que ferais t'il un hollandais s'il pourrais multiplier par 10 ses revenus en Nouvelle Zélande. Sans oublier que beaucoup parmi les migrants vivent des situations chaotiques sur les lieux d'origines, liés au climat et les guerres.

    Dans un tel contexte, la pression migratoire augmentera pendant les prochains 50 ans et, même s'il est prévu que la croissance en Afrique deviendra équivalente à l'européenne (c'est à dire, à un rythme supérieur). De même que le nombre des migrants sera en augmentation. la croissance démographique africaine double celle de l'Europe : 1000 millions contre 500 millions. Les prévisions à 30 ans est de 2.200 millions contre toujours 500 millions.

    L'immigration créée des pressions politiques et sociales insoutenables dans les pays européens. Tout le système politique est sous le shock. Les exemples les plus violents : les décisions prises par l'Autriche et l'Hongrie de construire des murs. Le retour de la droite en Suède, Hollande et le Danemark ; la renaissance du nationalisme grec, l'arrivée au parlement de l' AFD en Allemagne. Les récents refus de l'Italie d'accueillir des bateaux d'immigrés.

    Mais une autre question de poids qui nourrit le mal être politique en Europe, ce sont les inégalités des revenus et richesses. C'est l'autre "mal des riches". La richesse des pays dont la rente annuel par personne augmente pendant des décennies successives, ne se fait pas de façon proportionnelle aux rentes, sinon qu'elle s'accroît d'avantage. Les raisons sont bien l'épargne et le cumul de richesse.  La Suisse n'est pas seulement un pays plus riche que l'Inde par sa production annuelle de biens et services (50 à 1), sinon qu'elle est encore plus riche en fonction de la richesse par adulte (presque 100 à 1).  

    Ce qui fait que la relation entre richesse et revenus augmente à mesure que les pays deviennent plus prospères, c'est que le volume des rentes par habitant augmente plus vite que le PIB (Produit Intérieur Brute). Quand la richesse est très concentrée, comme dans les pays riches, l'augmentation des valeurs des capitaux sur la production, génère de forme presque automatique les inégalités entre les revenus des personnes.   

    Plus simplement La source de revenus partagée de façon plus inégalitaire (bénéfices & dividendes, taux d'intérêts) augmente plus vite que la source de revenus partagée de façon moins inégalitaire (salaires). Ce serais donc la croissance même qui créerait  les inégalités. Il est évident qu'il faudrait une véritable volonté politique pour empêcher ces différences trop importantes.

    Le problème c'est qu'en Europe, comme aux Etats Unis, manque une véritable volonté politique pour augmenter les impôts aux plus riches, ainsi comme l'implantation de mesures pour favoriser aux petits investisseurs qu'aux plus grands. Le résultat est la paralysie politique face aux désordres sociaux.  

    La situation actuelle est complexe et grave et demande des solutions sérieuses et pour le long terme.  Il est absurde de culpabiliser les courants "populistes", ou les préférences des citoyens d'un penchant pour les "fake news".  

     

     

     

    Branko Milanovic 

    Economiste et professeur à l'Ecole de Politiques Publiques à l'Université de Maryland

     

     

     

     

     


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